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Rod Story 7 Une co-éc Plasoc / Selva

 

ROD STORY

 

Une co-écriture Plasoc/Selva

 

 

7- Un boy dans la ville     (Buffalo)

 

 

 

 

 

Après avoir englouti des steaks aussi larges que leurs assiettes les trois hommes regagnèrent le camion. Jack suivait son plan de route, il devait livrer son principal client à Buffalo intra-muros le lendemain matin. Compte tenu des difficultés de circulation en agglomération à l’heure du laitier, il préférait rouler une partie de la nuit afin d’être paré sur place à l’ouverture du dépôt.

Sans doute parce que beaucoup de paroles avaient déjà été proférées, beaucoup d’histoires relatées et beaucoup d’anecdotes rapportées, la seconde partie du voyage vit peu à peu se tarir les conversations. Jack alluma la radio. Il la cala sur une station qui retransmettait un concert de musique classique. A l’étonnement de ses compagnons de voyage, Rod identifia la plupart des morceaux joués bien avant que le speaker ne donne les noms des compositeurs : Brahms, Schubert, Liszt… le jeune homme les avait tellement écoutés qu’il savait faire la différence entre leurs partitions. Faute de lui permettre d’exercer un véritable métier, sa passion pour la musique lui servait au moins à briller en société.

 

Au moment du coup de frein qui marqua la fin du voyage Rod n’entendait plus rien du tout. Il dormait, mal installé dans le siège de droite, mais profondément. Le silence revenu, il ne se rendit compte de rien.

Avant de disparaître derrière le rideau qui dissimulait une étroite couchette derrière la place conducteur, Jack proposa à Simon de terminer la nuit dans la cabine. Comme dit le dicton : « A chaque jour suffit sa peine. »

 

*

 

Au matin il neigeait doucement.

Simon et Rod remercièrent chaleureusement le routier avant de se mettre en marche le long d’une interminable avenue qui menait au centre ville. Rod se sentait heureux. Ça faisait du bien de marcher d’un pas vif en laissant ses traces dans le sol immaculé, de voir la buée de son souffle s’échapper de sa bouche, de sentir ses oreilles picoter. Oui ! C’était cela être vivant !

Et ce café si chaud aux doigts à travers le gobelet de carton qu’ils s’offrirent au premier snack rencontré, il avait sûrement un goût de chaussette mais, bon Dieu ! Qu’est-ce qu’il faisait du bien au corps !

 

« Que vas-tu faire à présent boy ? demanda Simon à Rod.

- Je vais aller jusqu’au campus universitaire de la ville pour trouver un ordinateur d’où je pourrais envoyer des courriers électroniques par l’internet. C’est la meilleure façon de faire savoir à mes parents que je suis O.K. sinon ils vont affréter un porte-avions pour venir me chercher

- Tu as raison. C’est important les parents, c’est important qu’ils te sachent en bonne santé.

Rod éluda d’un geste de la main avant d’ajouter :

- Et puis j’ai une idée : Je sais que Wendy a une amie très chère dans le Michigan. Elle s’appelle, Hope… Carson… ou Calson, enfin un nom dans ce genre.  Wendy en parle tout le temps. Je vais lui envoyer un courriel pour qu’elle me donne l’adresse de cette fille à Detroit et si je peux aller la voir en me recommandant de sa part. Ça pourrait me faire un relais sur la route, Detroit n’est pas très loin d’ici.

- Eh bien ! Tu es plein de ressources fils ! Je pense que tu trouveras un endroit comme tu dis au centre ville.

- Et toi, que vas-tu faire ? demanda Rod

- Hier, pendant que tu dormais, Jack m’a parlé d’une association de vétérans du Viêt-Nam que je ne connaissais pas. Ça se trouve en banlieue. Je vais m’y rendre. Sait-on jamais ? Peut être que j’apprendrais quelque chose de nouveau ?

Dans son regard Rod sentit que Simon repartait doucement vers l’intérieur de lui-même. Exactement comme la veille quand Jack avait raconté cette histoire abracadabrante de retrouvailles intercontinentales. Le garçon tenta de ramener le vieil homme sur terre.

- On se retrouve après… d’accord ? …

Mais quelque chose s’était cassé.

- Simon ? …

- Si Dieu le veut on se retrouvera Rod ! Si Dieu le veut ! »

Et il l’embrassa vigoureusement, comme s’il avait été son fils vivant, avant de s’en aller marcher de son côté de la tristesse.

 

 

 (à suivre)

 

selva | 4/23/2008
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